Récup'art de vivre : l'esprit du Temps

E/ Le capharnalogue

1 : "JULES-OH !"

Voici un coffre datant de la première moitié du XXe Siècle (élaboré à ses moments libres par Jules Malet, maçon, incidemment mon arrière grand-père). Au départ de facture tout à fait ordinaire, il a été garni de moulures et de lambris enduits de gesso puis peints et patinés, les poignées en laiton (chinées dans une brocante de l'Aisne) ont été ajoutées, autant pour la décoration que pour la commodité. Le dessus est décoré d'un motif floral original, l'intérieur du panneau abattant comporte un cadre fantaisie librement inspiré de l'héraldique.

Date et signature sur la tranche frontale droite.

 

 


2 : "LOUP-DENT ET CHIEN-PHOQUE

ou Les Portes de l'Envers" 

Portes de placard (trouvées sur une brocante) en bois exotique brut. Facture moderne et montage artisanal. La décoration, très colorée, fait intervenir différents motifs floraux, des entrelacs rustiques et des figures géométriques imitées de la marquetterie. Les dessins de chaque vantail sont en miroir du vantail opposé. Les boutons, dépareillés, sont en porcelaine asiatique. Le cadre est orné de marbrures dorées sur un fond prune noirci. La signature et la date sont inscrites dans un cadre façon marbre à l'intérieur de la porte gauche. Finition extérieure vernis mat.

 

 


3: LE PAON-THYM MONOPEDE ET SES AMIS

(brut'art)

 

Ebauche, première mise en place, choix... 

 Dans une optique de récupération, la mosaïque ne sera pas directement un travail de reproduction de la nature, et encore moins une tentative méticuleuse en vue d'imiter des techniques empruntées à d'autres arts : il ne s'agit pas de vouloir "dessiner", ni de découper des formes sophistiquées dont l'assemblage serait destiné à créer l'illusion, mais au contraire de laisser naître la représentation finale à partir des analogies entre les matières disponibles, les couleurs, et leur correspondance picturale avec une réalité référentielle (le modèle). Ainsi les "fleurs" pour suggérer les ocelles du plumage caudal, les briquettes bleues pour rappeler les effets moirés des plumes ventrales, et l'aigrette, remplacée par un bouquet aux allures de cimier surmontant le traditionnel heaume médiéval. Ceci peut si l'on veut être symboliquement rattaché à la nature aristocratique du paon dans la basse-cour. Il va de soi que ces idées ne sont pas nécessairement préconçues et qu'elles s'élaborent au fur et à mesure de la recherche et de la mise en oeuvre, en fonction des trouvailles et des surprises réservées par les stocks surnuméraires de faïences, ou les motifs ornant les céramiques recyclées. 

  

On y est presque. Quelques détails, du ciel, des nuages, un surlignage en émaux de Briare, des joints, un cadre, et le tour sera joué. Disons plutôt, le travail terminé... 

Finalement, il aura fallu quelques modifications supplémentaires pour peaufiner l'effet d'ensemble (équilibre des masses et des couleurs). Un cadre en bois finira l'ensemble...

 

4 : "CECI N'EST PAS UN MEUBLE"

 

Ebauche... Après ponçage et décapage, l'ensemble a été enduit à l'aide de peinture épaissie (additionnée d'enduit) et de plusieurs couches de peinture blanche d'apprêt. Les motifs sont peints sans modèle préconçu, en fonction de l'inspiration du moment et de l'effet obtenu...

 

Le tableau en forme de boutade (à moins que ce soit une boutade mise en oeuvre par le biais de la peinture) "Ceci n'est pas une pipe" de Magritte est désormais une référence qui joue pleinement son rôle d'agitateur de la pensée. Sans aller jusqu'à la phénoménologie de l'esprit ou les questionnements actuels des sciences sur la réalité du monde (le philosophe irlandais Berkeley suggérait déjà au XVIIIe Siècle que nous sommes, ainsi que tout ce qui nous entoure, et jusqu'aux événements que nous provoquons ou constatons, des éléments de la pensée de Dieu, voire un rêve divin), il y a là une illustration en forme de clin d'oeil - ah bon ? je croyais que c'était une pipe - de la distance qui existe entre l'objet et sa représentation, distance également soulignée et argumentée par les linguistes à propos du mot et de son référent. Ce petit élément de menuiserie présenté sous un titre volontairement paradoxal, me semble intéressant à divers points de vue : tout d'abord, il s'inscrit dans le cadre d'un recyclage (je l'ai chiné sur une brocante où il m'a été présenté, non pas comme un chevet, mais comme une desserte à fromages) dans la mesure où, en y regardant de plus près, j'ai acquis la certitude qu'il avait été confectionné artisanalement à l'aide d'éléments disparates (montants, panneaux moulurés, porte et tiroir en chêne provenant d'un meuble de l'Entre-deux-guerres, pieds d'une essence moins cotée ayant peut-être appartenu à une table ou fabriqués pour la circonstance, tablette en chêne, cabochon réalisé à partir d'une baguette en pin, fond en lames de parquet), et que son histoire dépassait largement le produit fini. Je l'ai à mon tour "récupéré" pour l'habiller d'un manteau de couleurs, et je me suis aperçu que l'essentiel des décorations se trouvait sur les côtés (j'ai en effet pris le parti de laisser la face antérieure largement apparente, de façon à mettre en valeur le chêne). Donc, j'en ai déduit qu'il ne convenait pas d'"insérer" cette pièce entre d'autres éléments de mobilier sous peine de masquer ses atours, mais que sa place devait être centrale pour laisser voir toutes ses facettes (le panneau arrière bénéficie également d'une décoration). Il ne peut par conséquent plus vraiment être utilisé, ni considéré, comme une meuble. D'où le titre choisi pour le caractériser... 

 

 

Il résulte de cette conception que toutes les faces sont également importantes, et qu'il convient d'avoir un point de vue exhaustif des différentes perspectives pour appréhender la totalité de l'objet. Exactement comme les peintres égyptiens de l'Antiquité prenaient le parti de représenter le visage de profil, car il est plus significatif que la face (on peut, à titre d'illustration, rappeler cette phrase de Coluche : "De face, on dirait Tabarly, mais de profil on dirait son bateau"), et le tronc de face (c'est cette orientation qui fait apparaître la véritable stature du personnage). Cette idée d'une représentation "globale" - et donc conceptuelle - a été reprise par le cubisme.



19/01/2012
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